GRAFFITI

Graffitophiles et graffitophobes...

Pourquoi la France subit-elle une telle explosion de rage graphique ? C'est la tradition point barre. On s'habitue à tout, même à la laideur et à la saleté. C'est probablement l'exception française. Le barbouillage des monuments, des autoroutes, des métros, des tunnels, des façades a pris en France une extension d'une telle ampleur qu'elle finit par représenter une économie sous-jacente de la grogne périphérique.

Des milliers de litres d'acrylique achetés ou chapardés, des milliers de litres de détergents pour gommer les hiéroglyphes fluorescents, des milliers d'heures perdues pour exprimer une créativité ringarde ou pour tenter de l'effacer.  Pour faire simple, "faire du graffiti", c'est un passe-temps comme un autre. On s'amuse et on s'affirme comme on peut. Dégrader devient presque une addiction anti esthétique, anti propreté, anti bourgeoise, 

Toute cette énergie déployée cherche à affirmer un égo qui finalement n'affiche rien d'autre qu'un manque d'identité et un manque d'originalité.

Le "street-art" peut avoir des lettres de noblesse, de l'humour, de l'esthétique. Par contre, les barbouillages n'en ont pas. Et en plus c'est passé de mode.

Depuis longtemps, les grandes métropoles internationales comme Londres, New-York, Tokyo, Stockholm ou Madrid ont oublié cette démangeaison de la bombe acrylique.  Seule la France persiste et signe. Ce qui est démodé ailleurs, reste omniprésent dans notre panorama urbain. Et qui plus est, certains édiles de la Culture approuvent, ou en tout cas chatouillent les graffitis dans le sens du poil par peur d'être  hors circuit. 

Les explications sont multiples...Expression d'une esthétique "rebelle"? Volonté de marquer son territoire? Glorification de la rage? Vitrine d'un monde périphérique en plein désespoir? 

Tout ceci n'aurait aucune importance si les graffitis étaient comme les ectoplasmes, transparents, volatiles et immatériels. Mais la liberté des uns s'arrête où commence la liberté des autres. Dans le cas des graffitis, on n'a pas la liberté de ne pas les voir. Il obstruent, défigurent et molestent notre vision de la beauté. Loin de la tolérance zéro de Giuliani, ici on sème les graffitis comme on planterait des légumes bios. 

Raynald Floret , Sociologue